Jérémie Beyou

Marin

Hédi Kaddour

Ecrivain

Fabrice Amedeo

Marin

Sylvain Tesson

Ecrivain

Bertrand de Broc

Marin

Pierre Péju

Ecrivain

Yann Elies

Marin

François Garde

Ecrivain

Morgan Lagravière

Marin

Olivier Frébourg

Ecrivain

Tanguy de Lamotte

Marin

Eric Fottorino

Ecrivain

Alan Roura

Marin

Philippe Bordas

Ecrivain

Kito de Pavant

Marin

Christophe Ono-dit-Biot

Ecrivain

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Fabrice Amedeo

 Pourquoi le Large ?

 

 

« Fuir seul vers le seul ». Plotin1

 

 

Pour beaucoup, le large est un ailleurs inconnu et fantasmé. Un endroit, aux contours imprécis, qui se cache derrière une ligne d’horizon lointaine, observée depuis une plage ou une falaise. Pour être au large, il suffirait de partir des côtes, de s’en éloigner à une distance raisonnable
jusqu’à perdre de vue tout rivage.
 Pour voir le large, il suffirait d’ouvrir les yeux
 et d’observer l’immensité océanique en mouvement. La plume de...

Jérémie Beyou

"- Jerem, pour votre convoyage il y a un super concept proposé : tu es parrainé par un auteur de chez Gallimard et vous croisez vos regards à travers des textes. Ca va donner une lumière nouvelle sur ce que vous faites

-Ouais, super, ok, ça a l'air génial! Mais il faudra que j'écrive ?

-Oui, c'est le principe, entre la Bretagne et New York.

-Ok

 

La veille du départ :

-Jerem t'oublieras pas d'écrire hein...

Philippe Bordas

Sur le fleuve-mer

 

Le guide se nommait Moussa – mais se fit appeler Moïse. Gracile et osseux, il flottait entre deux âges – œil noir de basilic et main souple d’adolescent. D’une statuaire maigre, creusé de présages sombres, il se présenta d’un sourire sans joie et désigna la pirogue que j’avais réservée. Armuré d’une patine de sagesse qui justifiait son nom auprès du voyageur étranger, il s’enroba de silences qu’il pensait être des politesses, éludant mes questions, évitant les charrettes et les porteurs qui encombraient le bord du fleuve Niger. Là, sur le quai de Mopti, dans l’aurore laiteuse, comme nous marchions, il devint pour moi...

Bertrand de Broc

New-York- les Sables... cette Transat, je ne la ferai pas cette année. Ca ne me ressemble pas : j'adore partir ! Mais, nous le savons tous, ce qui compte, c'est aussi d'arriver.

 

Après les épreuves, la tension, l'effervescence de la course et parfois les fortunes de mer, l'arrivée, reprendre contact avec le Monde est un moment complètement à part. Aucun de mes retours ne se ressemblent. 

 

Il y en a un qui m'a laissé un souvenir très marquant.

 

Pendant le Vendée Globe 1996, après 85 jours de course, j'ai été...

Yann Eliès

Traverser l'Atlantique

 

Avant de partir

La traversée de l’Atlantique est toujours un moment particulier dans la vie d’un marin. Pour nous Bretons, ça veut dire rejoindre le continent américain, et bien souvent, ses îles ensoleillées. Le chemin le plus court, le plus rapide, c’est alors d’attaquer la face sud de cette traversée, de cette aventure, que l’on aborderait comme l’ascension d’une montagne. Faire du Sud vers le Cap Finisterre puis rejoindre les îles Canaries, puis celles du Cap Vert et enfin mettre le clignotant à...

Eric Fottorino

Enfant je regardais la Garonne à Bordeaux, enfermée derrière les hautes grilles des Chartrons. Prisonnière des hommes et de leurs constructions. Je l’observais attentivement les jours de pluie et de vent qui l’enflaient comme une grosse veine brune. J’avais appris en cours de géo que les fleuves se jettent à la mer. Je voulais savoir comment elle s’y prenait, elle, que je voyais si souvent se prélasser tranquille sous les arches du Pont de pierre, pour se précipiter au devant des flots. Elle semblait si recluse dans son lit. Puis un jour j’ai appris que parfois c’était le contraire qui arrivait. Ce n’était pas le fleuve qui allait vers la mer, mais la marée haute qui s’engageait à l’embouchure de...

Olivier Frébourg

Morgan de l'océan 

 

L’Atlantique est un mot-océan. Mystérieux, captivant. A la fois infini, bleu, tempétueux. Une utopie comme l’Atlantide, réfractaire à la norme, à l’emprisonnement, à la condition de terrien. L’Atlantique n’est pas un paradis de tout repos même si c’est une mer originelle. Avec ses tempêtes, ses icebergs dérivant vers le sud, sa houle continue, ses vagues comme des montagnes, l’Atlantique nord est même un enfer où l’on s’agenouille pour demander grâce. Il peut se révéler plus aimable mais ce n’est pas si fréquent. Il incarne la liberté des mers mais aussi le lien entre l’ancien et le nouveau monde....

François Garde

La solitude est une amie ombrageuse et loyale. 

Je l'ai rencontrée dès l'enfance. Avec une humeur parfois enjouée, parfois maussade, souvent rêveuse, elle m'a tenu fidèlement compagnie chaque fois que j'en avais besoin. Elle savoure toujours ce paradoxe, qui la rend présente par l'absence de tous autres. 

Des mois parfois sont passés sans que je la revoie, et elle ne m'en a jamais tenu rigueur. Elle parle peu, et raconte toujours les mêmes histoires. Sans façons elle accepte de venir me rendre visite à l'improviste pour une heure ou une journée. Elle ne change pas, et ne semble pas voir que je change. Je...

Hédi Kaddour

La tempête

 

« Distinction entre ceux qui restent dans la caverne, ferment les yeux et imaginent le voyage, et ceux qui le font »

Simone Weil, La Pesanteur et la Grâce 

 

… une frégate, une tempête, des creux de dix mètres sur un petit navire, une dépression, parfois c’est pire, la rencontre de deux dépressions, des torrents d'eau, mêlés à des tonnerres, comme s’ils eussent roulé du haut des montagnes, la tempête de Bernardin de Saint-Pierre, une vaste nappe d'écumes blanches,...

Morgan Lagravière

Hello la terre !

Ce n'est ni de la paresse, ni l’angoisse de la page blanche mais les conditions de travail au bureau nous empêchent de coucher sur le clavier une prose pourtant bien présente dans l’équipage... La mer se forme bien, 30 à 35 noeuds de vent, les règles de la pesanteur prennent tout leur sens quand ce tambour en carbone tombe dans la vague. Prudence à chaque mouvement…

Humide à souhait, sonore et tout et tout…

C’est pour ca qu’on aime ca, c’est tellement bon quand ca s'arrête !

A bientôt et salut salé des Safran Brothers.

 

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Morgan Lagravière

Nous sommes le 6 mai au matin et ça y est c’est le grand départ pour New York !

En raison des conditions météo nous avons pu retarder notre départ, initialement prévu deux jours plus tôt, nous permettant alors de profiter un peu plus de nos proches avant ce mois et demi d’absence, de compétitions et d’aventures…

 

Les amarres sont larguées, les voiles hissées et c’est parti ! La pointe de la Bretagne est déjà dans notre sillage. Les conditions sont clémentes pour cette entame de traversée avec des vents portants. Nous croisons encore quelques voiliers et bateaux de pêche avant de...

Tanguy de Lamotte

"A l'Ouest c'est l'Amérique"

 

Qui n'a jamais prononcé cette phrase en quittant la plage sur son dériveur, sa planche à voile, ou même son pédalo ? "Si on continue tout droit vers le large, on arrive en Amérique". 

 

Et bien c'est exactement ce que nous nous sommes dits à bord d'Initiatives Cœur en quittant Lorient à destination de New-York. Cap à l'Ouest, vers l'Amérique, sauf que cette fois, c'est bien réel, jour après jour, nuit après nuit, nous ferons cap à l'Ouest et nous arriverons en Amérique...

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Christophe Ono-dit-Biot

La mer, couleur nuit

 

… C’est ce jour-là qu’elle m’a parlé de ce type. On rentrait de la plage, les cristaux de sel marquaient encore sa peau de brune, j’avais juste envie de rentrer vite, de tirer les rideaux et de voir son corps nu briller sous les rayons qui parviendraient à filtrer. « Il est vraiment incroyable...», m’a t-elle dit. « Ah oui ? » Mon enthousiasme était douché. Elle l’avait rencontré dans un colloque à Venise. Organisé sur une île entourée de bateaux au mouillage et dont les mâts conversaient métalliquement dans le vent de la lagune, la nuit tombée. Conversaient métalliquement dans le vent de...

Kito de Pavant

Ciudadela

 

Adolescent, je passais de super vacances à port Camargue. Elles étaient entrecoupées de quelques petits boulots, histoire de gagner trois sous. Entretien de piscines ou d’espaces verts, creusement de fosse sceptique, maçonnerie, construction navale, tout était bon à prendre... Le « Maso », puis d’autres bateaux de régate étaient amarrés au pied des deux marinas où nous habitions avec ma famille et l’été, on pouvait inviter nos copines à prendre l’air du large…Tous mes copains faisaient du bateau. Ils habitaient dans tous les recoins du port et nous circulions en bateau de soirée en soirée… Nous étions toujours une ribambelle à...

Kito de Pavant

Lile à Vache

A notre arrivée à Santiago de Cuba, nous avions rencontré, Philippe Gros et moi, un couple de plaisanciers sur leur sloop. Ils arrivaient tout juste des Iles Vierges et nous racontaient leur escale merveilleuse en Haïti.

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Pierre Péju

Les Vagues

( à  A. G. ) 

Furieuse, sous le ciel noir, la mer avait lâché ses chiennes de vagues, crocs étincelants, écume aux babines, qui se précipitaient l’une après l’autre vers la terre, mordant les pierres de la jetée, submergeant tout, avant d’éclater en gerbes blanches, aussi hautes que le phare. Même les eaux du port étaient agitées. Le départ de la course, prévu pour le lendemain, était suspendu à une amélioration de cette météo exécrable. Tous ceux qui avaient tenté quelques sorties d’essai, les jours précédents, au risque d’endommager leurs bateaux, avaient été affreusement chahutés. Les voiliers en attente dansaient sur...

Alan Roura

J’avais 7 ans lorsque j’ai traversé l’Atlantique pour la première fois. Je me souviens voir disparaître la terre à l’horizon, inconscient de ce que le la mer nous réservait, ses possibles dangers, et surtout la sensation d’être seuls au monde, ma famille et moi, pendant des jours et des jours. De mes yeux d’enfant, je voyais ça comme une grande balade sur l’océan. Mon père, lui, qui était le skipper avec trois enfants à bord, n’a pas du avoir la vie si facile. Le souvenir le plus marquant de cette transat, ce sont les orques qui sont venues au tableau arrière du bateau pendant presque une heure. Je les regardais avec passion, toujours sans voir le danger. C’est en voyant la tête de mon père que j’...

Sylvain Tesson

« Les marins parlent-ils ? »

 

La navigation est une recherche du temps perdu. Chaque instant passé sur le pont des bateaux, dans la compagnie des marins, se grave dans la mémoire pour n’en jamais disparaître. N’est-ce pas une chose étrange ? Comment expliquer que fendre l’écume et glisser à la surface s’imprime à ce point au plus profond de nous ?

J’ai eu l’occasion de rencontrer quelques marins ces dernières années. Parfois je les ai côtoyés au port plutôt que sur les ponts. Mais les quelques heures que j’ai volées auprès d’eux appartiennent aux moments d’éternité que je serre...